lundi 15 avril 2013

Dynamo en enfer

"DYNAMO, un siècle de lumière et de mouvement dans l'art 1913-2013" est une exposition placée sous le commissariat de Serge Lemoine, professeur d'histoire de l'art de Paris IV et de Domitille d'Orgeval, l'archiviste de l'Association des Réalités Nouvelles, qui proposent aux spectateurs de s'immerger dans les oeuvres et les installations de l'Op 'Art et de l'art cinétique (qui ont eu leurs heures de gloire au sein du salon des Réalités Nouvelles dans les années 50 et 60). De Calder à Kapoor aujourd'hui, les oeuvres de l'art optique avec ses jeux de perceptions, d'illusions d'optiques et perte de sens, perte de l'espace sont présentés dans une scénographie de Véronique Dollfus au Grand Palais de Paris.

Une exposition que le critique "Lunettes Rouges" bloggeur du Monde présente sous le titre : "Pour oublier la crise, vous reprendrez bien un peu d’optique amusante ?".  Ainsi décrit-il les oeuvres à expérimenter, à vivre,  de Le Parc, de Dan Flavin, de Soto, de Carlos Cruz-Diez, de Vasarely, de Kusama, de Duchamp, au total de de 142 artistes ...  Selon ce critique adepte de la dialectique historique et du réalisme social,  leurs oeuvres sont : "uchroniques... sans lien avec le réel... de l'art pour l'art". Aussi avec "Dynamo" et l'art optique, il voit le triomphe du spectaculaire contre le commentaire politique, semblant oublier que ces oeuvres ont connu leur triomphe avec le premier ministre puis président de la République Georges Pompidou (1969-1974) !

Pourtant l'exposition "Dynamo" soulève du point de vue de l'esthésie la question du "comment".
Comment les artistes plasticiens du XXe siècle ont-ils voulu reprendre à leur compte  l'image-mouvement,  l'image-cinéma,  par les truchements de l'art cinétique ou de l'art optique (devenu depuis l'Op art) ?

Par la relation de l'art à la technologie. Le titre de l'exposition "Dynamo" est délicieusement vintage comme une robe  Paco Rabannes en plaque d'aluminium ou une robe  Courrèges année 1970, car rien ne se démode plus vite que la technologie... "Dynamo" évoque le XIXe siècle de Jules Verne, avec ses bobines de Ruhmkorff qui font avancer le Nautilus. "Dynamo" ou la modernité fanée des lampes des roues de vélo de Marcel Duchamp... bref une exposition qui pédale puisque le grand problème pour les artistes contemporains de l'Op Art du XXI e siècle est la présentation d'un état-donné de la perception à l'aune de la dernière technologie et non de penser la perception. Le cinétisme c'était Mondrian plus l'électricité, aujourd'hui l'Op Art c'est le cinétisme plus le numérique. Et le numérique c'est un principe d'obsolescence programmée. (On retrouve le même problème avec les téléviseurs à tube cathodique de Nam Jun Païk et les néons de Dan Flavin... aucun néon contemporain n'éclaire comme un néon des années 60).

La Participation autre grande idée des années 60, la volonté de faire participer le spectateur. Les artistes de l'Op' art usent, jouent de la perception des spectateurs comme les magiciens jouent des même effets stroboscopiques et des même lumières bleues pour faire apparaître ou disparaître les lapins des chapeaux. Les artistes cherchent à dérégler les sens - essentiellement visuel - des spectateurs, aussi les oeuvres de l'op art sont-elles de nature ludique. Les artistes ne créent, ni ne mettent en forme leurs percepts. Dégager un percept c'est mettre en forme la perception, ou tenter de lui donner une forme, pour que le percept de l'artiste soit compris du spectateur et partager mais ce n'est pas jouer un tour à la perception du spectateur qui s'en amuse.  Les artistes cinétiques assemblent des mouvements à partir de formes simples rond, carré, triangle, ligne, de néons ...   Les artistes contemporains assemblent des formes souvent identiques à celles des grands anciens (Duchamp, Mondrian, Richter, Calder....) mais qui peuvent être aussi narratives à base de miroirs, de dorures, de diodes, etc.... Répétitions et variations affirmées qui impliquent la technologie donc l'industrie culturelle du divertissement. Affirmer une esthétique par le principe de l'amélioration technique constante, c'est le principe même de l'esthétique hollywoodienne du cinéma. L'Op Art s'y soumet.

 "Dynamo" interroge donc au-delà de sa mise en oeuvre, les oeuvres d'art tels que l'on peut les voir à la foire de Bâle ou de Dubaï où les mêmes effets semblent démultipliés entre entertainment et participation du public comme on peut le voir dans la video ci-dessous. L'artiste devient metteur en scène et le spectateur acteur d'un petit théâtre. A l'aune de "Dynamo" y-a-t-il encore une différence entre un Léger et un Murakami ? entre un Vasarely et un Koons ? Ouvrier d'un côté manga de l'autre ? Triangle contre fleur ?
Un certain art contemporain ne serait-il pas que la mise à jour des logiciels d'un art moderne et avant-gardiste "vintage" dont le Grand Palais serait le dépôt ?



La Foire de Bâle 2012 vue 
par la chaine de TVAlsace20



C'est pourquoi l'une, si ce n'est LA meilleure, critique de l'op' art est venue du cinéma (et de son industrie de l'entertainment) du cinéaste Henri-Georges Clouzot  avec son projet inachevé "L'enfer".... ou l'îcone populaire Romy Schneider est confrontée aux oeuvres ludiques de Vaserely, de Soto, de Cruz-Diez. Ici l'image-cinéma  redouble le spectaculaire du cinétisme, Clouzot trouve le suspens et met  l'Op art (image-optique) et le cinétisme (image-mouvement)  en abîme ... en Enfer!







Dynamo : Grand Palais - Paris du 10 Avril 2013 au 22 Juillet 2013.