lundi 16 juin 2014

La peinture de Erik Levesque vue par Virginie Duval...


"La Toupie et la Boule" ou
le polyptique
de Chaudes-Aigues
Erik Levesque est le plus chinois de nos peintres contemporains. Il vient de la grande Chine imaginaire, peuplée de dragons de papier ou de feu, de théories d’une simplicité complexe, de fastes impériaux, de ponts en bambous, de potions mystérieuses et savantes, de mandarins sentencieux, de fleurs éclatantes, de clairs de lune brumeux, d’ornements extravagants. 
Il en reste pétri d’une philosophie de la souplesse, de l’art de la déclinaison, des feux d’artifice, d’un goût prononcé pour l’expansion discrète, pour l’étude et les expériences sur le terrain, de l’industrie et de la patience d’une culture plusieurs fois millénaire. Il a une aversion marquée pour les chinoiseries. On ne saurait être plus chinois. On chuchote même qu’il pourrait être la réincarnation de Tao Shi, le fameux moine Concombre Amer.
C’est ainsi que des formes souples naissent sur la toile, s’étirent nonchalamment, ondulent au fil d’un courant qui ne semble pas avoir été touché par la main du peintre. Aucune trace de pinceau n’est visible. La peinture se diffuse, presque seule, sans aucune tension. La sérénité est son maître mot. Des coulures ou des projections viennent ponctuer des compositions qui semblent rechercher avant tout la simplicité prônée par Maître Dôgen. Des formes stylisées tout en rondeurs, caducées, fleurs, poulpes, cercles, spirales, viennent par récurrence animer des fonds légers dont la texture est longuement travaillée. 

Erik Levesque adore aussi s’amuser. Alors il ne se refuse aucun éclat, aucun poudroiement, aucune cocasserie. Et le jaillissement de quelques unes de ses toiles est indéniablement baroque.

Erik Levesque n’est pas arrivé là par hasard. Son père était peintre. Il servait la peinture avec ferveur et la tenait pour une vérité sacrée ne pouvant naître que dans un silence de cathédrale. Sa mère vivait dans le monde du théâtre et de la musique. Elle créait des perruques, des postiches pour l’opéra. Elle était aussi céramiste. Cette enfance riche en paradoxes l’a conduit à prendre du large pour gagner de la perspective, tout en étudiant le problème de près. Les débuts furent d’abord livresques. Il a étudié les arts plastiques à la Paris VIII et passé un doctorat avec Frank Popper, théoricien de l’abstraction, du cinétisme et du graffiti, et Edmond Couchot, l’apôtre de l’interactivité numérique. A cette époque, il se défendait d’avoir la moindre intention picturale. Cependant le naturel remplissait son office : Erik Levesque dessinait et vendait admirablement bien ses dessins. Après une brève incursion dans le monde du cinéma, Erik Levesque a passé trois années dans l’atelier de Bertholle. Puis ce furent les années décisives passées à la Casa Velázquez à Madrid. En réalité, depuis Erik Levesque n’a jamais tout à fait quitté l’Espagne. Il en parle la langue et est un aficionado. S’il ne résistait pas aussi bien au flamenco il pourrait même être une sorte d’espagnol honoraire. Il y séjourne chaque année, et puise dans la peinture des maîtres anciens les fondamentaux de sa propre création. Il a également tiré tous les enseignements de Juan de Pareja. A l’instar de Goya, il ajoute des cendres à sa peinture, pour le velouté, ou comme Velasquez du verre pilé, pour l’éclat. Le champ de ses expérimentations ne s’arrête pas là : il crée des textures nouvelles par l’adjonction de métaux divers, de résines et même d’herbes. Nul doute que d’autres innovations viendront nous surprendre. Puis il est parti en Angleterre et s’est lié d’amitié avec les peintres John Hoyland et Albert Irvin. L’échange s’est révélé très fructueux, principalement avec Hoyland qui a initié un abord nouveau de la peinture. Erik Levesque a réalisé deux films à Londres sur chacun des peintres.

Nous pouvons admirer les peintures d’Erik Levesque :
Prairial

A New York, Sidesshow Gallery, pour le show annuel de AAA (American Abstract Artist) à l’invitation de Dan Hill où il présente une peinture d’acrylique et d’époxy de 2013-2014. Cette toile est intitulée "Prairial", du nom du neuvième mois du calendrier révolutionnaire et aussi le nom d’un sous-marin à vapeur coulé au large du Havre. Chacun y verra bien entendu une allusion fine à Monet « Impression soleil levant » au Havre.



Unsustainable Development

Une grande toile récente « Unsustainable Development » au prochain Salon des Réalités Nouvelles, en octobre, où une forme se développe sur elle-même en se répétant, forme mathématique qui n’intéresse que très peu les mathématiciens… Une infinité de cercles répétés et différents peut remplir n’importe quelle surface, sans fin…

Un polyptique de sept peintures à l’acrylique sur toile et sur peau, sera exposé à La Chapelle des Pénitents, à Chaudes-Aigues, Cantal, du 15 juin au 31 août 2014. Organisé par le Clac sous la présidence de Laurent Bout, dans le cadre d’une exposition Réalités Nouvelles Hors-les-Murs, sous le commissariat de Jean-Pierre Bertozzi et Olivier di Pizio.

Et bien entendu en Chine, depuis le 8 mai où une toile métaphysique 
« Des atomes fais ce que tu veux » est visible au Musée d’Art Yuan Huang à Pékin puis pendant huit mois dans différents musées chinois.
 Des atomes fais ce que tu veux 


Virginie Duval