lundi 14 novembre 2011

Raphaëlle Boutié Peintre

Hersée 2011



Hersée III 2011












Pouvez-vous décrire brièvement votre travail ?

Je peins à l'extéreur de nombreux petits formats papier à la gouache qui sont développés à l'atelier sur des toiles de grand format. Je peins essentiellement à l'acrylique sur les grands, car c'est une peinture qui correspond bien à l'urgence dans laquelle je suis. C'est une peinture frontale face à la nature en face pour étaler sur la toile ses gestes invisibles; le Mistral, la montée de sève, des parfums d'asphodèles ou l'ancrage de la roche. Du "landscaping" où s'entrechoquent brutalement coulures et traces, aplats et griffures, autant de marques qui étirent la toile dans tous les sens, grandeur nature.

Qu'est-ce qui vous motive pour créer ?

Un bouillonnement, ce qui vient de l'extérieur est entré à l'intérieur et a besoin de resurgir. C'est aussi une curiosité qui me propulse. Que va-t-il se passer?  Comment ce qui a été absorbé va s'asséner sur la toile, que va en faire le bras ? La couleur, aperçue dehors, est lancée à l'atelier et relance un débat, au sens de se débattre. Ce face à soi, après le face à face avec la nature conduit un peu au-dessus de l'humain.

Pouvez-vous nous parler de votre pratique au jour le jour ?

5 à 6 heures par jour, 3 ou 4 jours par semaine. C'est une discipline. La régularité de la présence à l'atelier, avec ses déceptions et ses surprises. Des aller et retours, des autours et alentours de la toile qui est parfois à terre, parfois debout, toujours à l'affût. Un défi permanent de conquête de territoire.

Depuis quand travaillez-vous de cette manière ?

Depuis toujours sauf que ma manière avance, évolue. Il y a tant de manières qui font partie de l'évolution et en même temps, elle est une puisque c'est moi qui conduis!

Quels sont les artistes qui vous ont influencée ?

Essentiellement des peintres ; la circulation chez Rubens, la terre de Kirkeby, le geste de Joan Mitchell, le Midi de Kimura, le fracas de Piero della Francesca, et puis Lüpertz, Broto, Vedova, Baselitz, John Hoyland, Kimber Smith, les vanités de Denis laget, Twombly, qui ne font pas du joli. 
Et encore Cézanne que j'espère avoir assassiné! Mais aussi les sculptures de Couturier ou de G. Richier. Et encore des lectures ; F.Gantheret, Romilly, P. Handke ou des poèmes, "Le bateau ivre", certains poèmes de Baudelaire ou des bribes sur la couleur que je peux lire ça et là. 

Altière 2011
Qu'est-ce qui, en dehors des arts visuel, fait évoluer votre pratique ?


Des lectures, bien sûr. La marche, le vélo, le sommeil et surtout la sensation du corps roulé, désarticulé, oublié dans la vague bretonne, qui lui permet de ne pas être contrarié. L'apràs offre de nouvelles perspectives picturales, car la catharsis procurée par ce brassage marin apporte une nouvelle énergie pour peindre tout neuf. 

Comment souhaitez-vous que le public reçoive votre travail ?


Qu'il se le prenne en pleine figure. Que ma peinture frappe celui qui la regarde, et si elle est appréciée, c'est bienfaisant.  Après, que chacun ait ses propres références, apprécie ou non, ce n'est plus mon propos. le propos premier de la peinture est d'être, ensuite si elle est regardée, et louée, tant mieux, mais si je souhaitais quoi que ce soit, la peinture en serait altérée.

Qu'avez-vous vu récemment qui vous ait marquée ?


Des vagues énormes en Bretagne qui frappaient la digue. Une mésange, la démarche chaloupée de mon chat dans la rue. Des peintures de Matthieu Dorval, breton. La cathédrale de Reims. Les sculptures de Baselitz dont la brutalité, la finesse et l'ironie m'enchantent.
Qu'est-ce qui vous passionne actuellement ?


Je ne sais pas en ce moment, en fait. Sentir l'odeur de certaines bouteilles de peinture, enfoncer le pinceau dans le tissu de coton, mais cela me passionne depuis toujours. Camper la Sainte-Victoire, oui, c'est cela qui me tient au corps en ce moment. Mais c'est depuis toujours aussi.

Arêtes 2011


Dans quel sens, selon vous, doit évoluer l'art abstrait ?

L'art abstrait a un devoir _  je parle surtout à propos de la peinture, bien sûr_ c'est celui d'être pauvre c'est à dire pur, dénué de toute convention picturale _  je ne parle pas des grandes lois de composition, de circulation ou de format -  mais des systèmes, des redites, des savoir-faire, bref, de tous ces trucs qui étriquent. Sinon, quel chemin peut-il prendre? D'autres supports, comme depuis longtemps la photo ou récemment l'image électronique, aident déjà l'art, ce qui est une évolution intéressante:  mais on entre dans une ère de sophistication extrème où se perd l'aspect manuel, artisanal de la peinture. Je souhaite qu'elle ne se fasse pas avaler par le secteur tertiaire ! La peinture entre en résistance, et surtout la peinture abstraite, si tant est que toute peinture ne le soit pas ! Et le chemin qu'aura pris l'art abstrait, c'est l'histoire de l'art qui le dira. Le tout, c'est que l'art ne cherche pas le port mais la haute mer.


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Vous pouvez également vous reportez au blog du standard interview pour trouver des interviews d'artistes abtraits britanniques.